Le retour des grues cendrées
Le ciel s’ouvre en un bleu profond, tacheté ici et là de nuages éparpillés, légers comme des promesses pouvant s’évanouir à tout moment. L’air est encore froid, mais quelque chose d’indéfinissable flotte, un frisson qui devance les grandes retrouvailles. J’aime. Et puis, soudain, ce cri venu d’ailleurs, clameur « trompettante », qui précède l’apparition tant attendue.
Là-haut, elles arrivent. Je les découvre.
Elles dansent avec le vent, majestueuses, formant leur V si caractéristique. À les voir ainsi, ailes grandes ouvertes, avançant d’une cadence régulière, presque méditative, on pourrait croire qu’elles sont éternelles, qu’elles n’ont jamais arrêté de voler. Les grues cendrées reviennent, après avoir fui l’hiver du nord, et, avec elles, l’espoir d’un renouveau.
Elles passent au-dessus des plaines et des forêts, survolant les terres endormies qui frémissent déjà sous la promesse du printemps. Elles connaissent la route par cœur, une mémoire tissée dans leurs os, un appel gravé dans leur sang. Chaque année, elles réapparaissent, et chaque année, l’émotion est pour moi intacte.
Je lève les yeux, fasciné, humble face à cette migration millénaire qui me dépasse. Leur passage est un lien entre les saisons, un fil invisible qui relie le ciel aux racines du monde. Dans le silence qui convient à leur cri, il reste une vibration dérobée, comme une empreinte dans l’air, un écho qui dit :
« Nous sommes de retour. »
Et je les regarde disparaître à l’horizon, le cœur empli de gratitude.
Merci.
Vincent